Table des matières
- đ§ Pourquoi jâaccorde autant dâimportance aux ADR
- đ± Ce que les ADR ne sont PAS
- đ§© Pourquoi jâaime les formuler comme des user stories
- đ Le cĆur dâun bon ADR : le contexte
- đ§ Les ADR, câest aussi une maniĂšre de mieux collaborer
- đïž ScalabilitĂ© humaine et scalabilitĂ© systĂšme : deux facettes dâun mĂȘme problĂšme
- đŻ Ce que les ADR apportent Ă long terme
- đ Un exemple concret
- đ§ Conclusion : documenter pour rassembler, pas documenter pour contrĂŽler
Il existe, dans la vie dâune organisation technique, un phĂ©nomĂšne aussi subtil quâinĂ©vitable : plus les Ă©quipes sâagrandissent, plus les dĂ©cisions se fragmentent, et plus le contexte se dilue.
Ce nâest pas un dĂ©faut humain, ni un manque de compĂ©tence.
Câest une loi naturelle du collectif.
Avec lâĂ©chelle viennent la complexitĂ©, les divergences dâapproche, les diffĂ©rentes histoires professionnelles, les prĂ©fĂ©rences personnelles, les biais.
Sans un langage commun, mĂȘme les meilleures intentions finissent parfois par sâentrechoquer.
Câest prĂ©cisĂ©ment pour cela que je considĂšre les Architecture Decision Records (ADR), ou leur variante plus humaine en Architecture Decision Stories (ADS), comme lâun des outils les plus importants lorsquâon construit une ingĂ©nierie moderne, durable et cohĂ©rente.
Cet article nâengage que ma vision personnelle.
Mais câest une vision forgĂ©e par lâexpĂ©rience, les rĂ©ussites, les tensions, les apprentissages, les projets qui se passent bien⊠et ceux qui nous obligent Ă repenser notre maniĂšre de travailler.
đ§ Pourquoi jâaccorde autant dâimportance aux ADR
à un instant donné, dans une équipe, tout le monde peut comprendre pourquoi on a pris telle ou telle direction architecturale.
Le contexte est frais.
Les discussions sont encore vivantes.
Les arbitrages semblent évidents.
Six mois plus tard ?
Une Ă©quipe change, un besoin Ă©volue, un service sâĂ©tend, un incident apparaĂźt⊠et soudain, la mĂ©moire sâefface.
Ce qui était clair devient opaque.
Ce qui était limpide devient sujet à interprétation.
On dĂ©bat Ă nouveau des mĂȘmes sujets.
On remet en question des décisions dont on a perdu la trace.
Et petit Ă petit, le collectif sâĂ©tiole.
Pour moi, les ADR répondent à trois besoins fondamentaux :
1. PrĂ©server la cohĂ©rence Ă lâĂ©chelle
Chaque dĂ©cision dâarchitecture influence la suivante.
Sans un historique clair, on construit sur de lâimplicite.
Avec un ADR, on construit sur du sens.
2. Réduire les tensions et les incompréhensions
Beaucoup de frottements dans une organisation viennent simplement dâun manque dâinformation.
Comprendre les arbitrages apaise, aligne, et ramĂšne chacun vers la solution.
3. Favoriser un langage commun
Nous venons tous dâenvironnements diffĂ©rents.
Mais lâarchitecture est un territoire partagĂ©.
Les ADR deviennent une grammaire commune : simple, lisible, universelle.
đ± Ce que les ADR ne sont PAS
Il faut ĂȘtre clair : un ADR nâest pas un document bureaucratique.
Il nâa pas vocation Ă ralentir, complexifier ou figer.
Un ADR, dans lâesprit, câest une page qui rĂ©pond Ă une question essentielle :
« Pourquoi avons-nous décidé cela, à ce moment-là , dans ce contexte-là ? »
Pas besoin dâun roman.
Pas besoin dâun comitĂ©.
Pas besoin dâun glossaire de trente pages.
Juste une trace claire, honnĂȘte, intelligible.
đ§© Pourquoi jâaime les formuler comme des user stories
Avec le temps, jâai constatĂ© que le format le plus puissant est aussi le plus humain.
Celui que tout le monde connaĂźt.
Celui qui met en avant le besoin, le sens, et pas seulement la solution.
Le format user story, appliquĂ© Ă lâarchitecture, permet de raconter une dĂ©cision.
Pas simplement de la lister.
Câest une nuance importante, presque philosophique :
les meilleures dĂ©cisions techniques sont celles qui racontent quelque chose de lâĂ©quipe qui les a prises.
Voici un exemple de structure que jâapprĂ©cie particuliĂšrement :
En tant que Ă©quipe dâingĂ©nierie responsable de <sujet>,
Je veux prendre une décision éclairée concernant <thÚme>,
Afin de garantir <bénéfice collectif, cohérence, scalabilité, simplicité>.
Ce simple triptyque ramĂšne lâhumain au centre :
le rĂŽle, le besoin, le sens.
Tout ce que nous faisons doit répondre à une intention.
Lâarchitecture incluse.
đ Le cĆur dâun bon ADR : le contexte
TrĂšs souvent, ce qui manque dans une organisation, ce nâest pas la dĂ©cision elle-mĂȘme : câest le contexte.
Et ce contexte peut ĂȘtre protĂ©iforme :
- contraintes opérationnelles
- maturité technique des équipes
- enjeux produit
- dette existante
- priorités stratégiques
- risques humains
- temporalitĂ© dâun projet
Un ADR bien écrit permet de capturer cette photographie.
Ce nâest pas un jugement.
Ce nâest pas une vĂ©ritĂ© absolue.
Câest une explication.
Et cette explication devient un cadeau pour les équipes futures.
Un acte de bienveillance, au sens le plus noble du terme.
đ§ Les ADR, câest aussi une maniĂšre de mieux collaborer
Il y a une rĂ©alitĂ© quâon sous-estime souvent :
la plupart des conflits techniques naissent de divergences de contexte, pas de divergences de compétence.
Les ADR ont donc un impact direct sur la qualité de la collaboration.
Ils :
- réduisent les malentendus
- rendent les attentes explicites
- alignent les points de vue
- évitent de redébattre des sujets déjà arbitrés
- fluidifient les revues, les handovers, les changements dâĂ©quipe
Et surtout : ils permettent aux nouveaux arrivants de comprendre lâhistoire avant de proposer lâavenir.
Dans une organisation qui veut cultiver la bienveillance et la cohĂ©sion, ce que je considĂšre comme un socle, pas un luxe, câest prĂ©cieux.
đïž ScalabilitĂ© humaine et scalabilitĂ© systĂšme : deux facettes dâun mĂȘme problĂšme
Il y a un parallĂšle intĂ©ressant que jâobserve constamment.
Quand une architecture technique grandit, elle devient instable si :
- elle manque de conventions
- elle manque de cohérence
- elle manque de vision
- elle manque de documentation vivante
Câest pareil pour une organisation.
Sans narration collective, sans comprĂ©hension partagĂ©e, sans langage commun, lâensemble sâĂ©rode.
Les ADR ne sont pas uniquement une pratique dâingĂ©nierie :
ils sont un outil de scalabilité humaine.
Ils empĂȘchent lâapparition de silos.
Ils favorisent le mouvement des talents dâune Ă©quipe Ă lâautre.
Ils renforcent la capacitĂ© dâune organisation Ă absorber le changement.
Ils nous rappellent quâĂ grande Ă©chelle, lâalignement nâest pas un Ă©tat, câest un effort continu.
đŻ Ce que les ADR apportent Ă long terme
Avec le recul, voici ce que je vois dans les organisations qui ont adopté les ADR avec sérieux et légÚreté à la fois :
- Une architecture plus claire
- Des décisions plus assumées et moins subies
- Moins de tensions internes
- Des reviews techniques plus fluides
- Une meilleure capacité à prendre du recul
- Un historique des raisons, pas seulement des choix
- Une transmission nettement améliorée
- Une réduction naturelle de la dette cognitive
- Une maturité collective plus forte
En résumé :
les ADR participent directement Ă la santĂ© technique et relationnelle de lâorganisation.
đ Un exemple concret
Je reprends un cas simple.
Lorsquâon choisit Laravel pour un nouveau service, ce nâest pas un dogme.
Ce nâest pas une contrainte imposĂ©e.
Câest un arbitrage entre vĂ©locitĂ©, cohĂ©rence interne, outils existants, compĂ©tences disponibles, maturitĂ© du produit.
Ăcrire cela dans un ADR, ce nâest pas justifier lâĂ©vidence.
Câest laisser une trace du raisonnement.
Parce que dans deux ans, peut-ĂȘtre que la situation aura changĂ©.
Peut-ĂȘtre quâun autre choix sera plus pertinent.
Peut-ĂȘtre que lâĂ©cosystĂšme aura Ă©voluĂ©.
Un ADR rend ces évolutions lisibles.
đ§ Conclusion : documenter pour rassembler, pas documenter pour contrĂŽler
Les Architecture Decision Records sont un outil simple.
Mais ce que jâobserve, câest que les outils simples sont souvent les plus transformatifs.
Ils ne sont pas lĂ pour rigidifier.
Ils sont lĂ pour clarifier.
Pour apaiser.
Pour aligner.
Pour raconter.
Ils protĂšgent ce qui est fragile dans toute organisation qui grandit :
la cohésion, la communication, la compréhension mutuelle.
Ils permettent aux équipes de mieux collaborer.
Ils donnent un langage commun Ă des talents qui nâont pas toujours les mĂȘmes rĂ©fĂ©rences.
Ils rendent lâarchitecture plus lisible, plus durable, plus intelligente.
Et au fond, ils rappellent une idée simple, une idée en laquelle je crois profondément :
Dans une organisation, le sens nâest pas un bonus.
Câest ce qui nous permet dâavancer ensemble.

Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.