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🌿 Working Agreements : rendre explicite ce qui, sinon, s’érode en silence

Dans toute équipe, il existe une part invisible.
Une part fragile, souvent sous-estimée.
Cet espace oĂč se mĂ©langent les attentes, les habitudes, les signaux faibles, les maniĂšres de communiquer, les façons de dĂ©cider, de se parler, de se contredire, de collaborer.
La culture d’équipe, au sens le plus pratique et le plus humain du terme.

Et dans une organisation qui grandit, cette culture implicite, autrefois évidente, devient floue, parfois source de tensions, souvent mal comprise.

C’est là que les Working Agreements deviennent un outil fondamental.
Pas pour normaliser ou rigidifier.
Pas pour imposer une discipline.
Mais pour mettre en mots ce qui fonde la confiance, la sĂ©curitĂ© psychologique et l’efficacitĂ© collective.

Cet article n’engage que ma vision personnelle, mais elle est façonnĂ©e par une conviction solide :
les équipes les plus performantes ne sont pas celles qui ont les meilleurs outils, mais celles qui ont la meilleure qualité relationnelle.

Les Working Agreements sont l’un des moyens les plus simples et les plus puissants de la cultiver.


🧭 Ce que sont rĂ©ellement les Working Agreements

Les Working Agreements, ce n’est pas un rĂšglement intĂ©rieur.
Ce n’est pas un cadre autoritaire.
Ce n’est pas une suite de rùgles formelles.

C’est tout le contraire.

Un Working Agreement est une promesse collective, construite par l’équipe, pour l’équipe.
Une maniĂšre d’expliciter les conditions qui permettent Ă  chacun d’ĂȘtre Ă  la fois performant et serein.

C’est en quelque sorte une charte vivante qui rĂ©pond Ă  une question essentielle :

“Comment voulons-nous travailler ensemble pour nous sentir bien, avancer efficacement et rester un groupe uni, mĂȘme sous pression ?”

Ce qui fait la force d’un Working Agreement, c’est sa co-construction.
On le crĂ©e ensemble, on l’ajuste ensemble, on y adhĂšre ensemble.
Il devient le miroir de l’équipe.


🎯 Pourquoi j’accorde tant d’importance aux Working Agreements

Avec l’expĂ©rience, j’ai appris une chose :
la performance collective s’effondre rarement à cause d’un problùme technique.
Elle s’effondre quand les relations se tendent, quand les attentes deviennent implicites, quand la communication se dĂ©grade.

Les Working Agreements répondent directement à cela.

Ils rendent explicite ce qui est souvent tacite

Dans une petite équipe mature, tout semble fluide.
Mais dĂšs que le groupe s’élargit ou Ă©volue, les non-dits explosent.

Les Working Agreements permettent de rétablir un langage commun.

Ils réduisent les tensions

Beaucoup de conflits professionnels sont simplement des divergences de normes non exprimées.
DĂ©finir nos modes de travail, c’est dĂ©samorcer ces conflits Ă  la source.

Ils favorisent la sécurité psychologique

Quand chacun sait comment donner du feedback, comment demander de l’aide, comment dire “je ne suis pas alignĂ©â€, alors l’équipe peut se permettre l’exigence sans la violence.

Ils donnent une identitĂ© Ă  l’équipe

Une équipe qui construit ses accords construit aussi sa culture.
Et cette culture devient un repÚre, un élément stabilisant face au changement.


đŸŒ± Ce que les Working Agreements ne doivent PAS devenir

Les dérives existent, et il faut les anticiper.

Les Working Agreements ne sont pas :

  • des rĂšgles imposĂ©es par un manager
  • un document figĂ© qu’on dĂ©poussiĂšre une fois par an
  • un contrĂŽle social dĂ©guisĂ©
  • une checklist morale
  • un outil de sanction

Ils ne doivent jamais ĂȘtre utilisĂ©s pour pointer du doigt.
Ils doivent ĂȘtre utilisĂ©s pour prendre soin.

Un Working Agreement rĂ©ussi, c’est un espace de confiance.
Pas un tribunal.


🔍 Pourquoi j’aime les formuler aussi comme des user stories

Tout comme pour les ADR, le format user story s’adapte remarquablement bien.

Une équipe peut exprimer un Working Agreement comme ceci :

En tant que
collectif d’ingĂ©nierie,
Nous voulons
définir la maniÚre dont nous collaborons,
Afin de
créer un espace de travail serein, aligné et efficace.

Puis décliner en accords concrets :

  • “Nous communiquons de maniĂšre bienveillante, surtout en dĂ©saccord.”
  • “Nous prĂ©cisons les dĂ©lais d’une tĂąche avant de nous engager.”
  • “Nous acceptons de demander de l’aide, sans jugement.”
  • “Nous privilĂ©gions la clartĂ© plutĂŽt que la vitesse dans les dĂ©cisions difficiles.”

Ce format donne un sens.
Il transforme des rĂšgles en intentions.
Il donne au collectif une dimension humaine.


đŸ§© Le cƓur des Working Agreements : l’acte d’en parler

Ce qui est fondamental, ce n’est pas le document.
C’est la discussion.

Le fait mĂȘme de s’asseoir ensemble autour de la table, de partager des attentes, de dire ce qui nous aide, ce qui nous stresse, ce qui nous permet d’ĂȘtre au meilleur niveau

C’est un moment rare, prĂ©cieux.
Un moment oĂč l’équipe dĂ©passe le simple “faire” pour toucher au “comment” et surtout au “pourquoi”.

J’ai vu des Ă©quipes dĂ©bloquer des situations en 20 minutes, simplement parce qu’elles ont osĂ© parler de leurs habitudes.
Sans outil, sans post-it, juste avec une écoute sincÚre.


đŸ€ Les Working Agreements comme outil de cohĂ©sion

Il y a une Ă©vidence qu’on oublie souvent :
une Ă©quipe n’est pas un ensemble d’individus alignĂ©s sur des tĂąches,
c’est un collectif alignĂ© sur des comportements.

Les Working Agreements jouent un rÎle clé dans :

  • la construction d’un climat de confiance
  • l’accueil de nouveaux membres
  • la rĂ©solution de tensions latentes
  • l’alignement sur les attentes mutuelles
  • la rĂ©duction des ambiguĂŻtĂ©s
  • le renforcement de la collaboration cross-Ă©quipes

Ils rendent la culture visible.
Et une culture visible est une culture que l’on peut nourrir.


🧠 ScalabilitĂ© humaine : la dimension souvent oubliĂ©e

Quand une organisation grandit, deux formes de dette émergent :

  • la dette technique, que nous connaissons bien
  • la dette relationnelle, beaucoup plus insidieuse

La dette relationnelle apparaĂźt quand :

  • les Ă©quipes ne se parlent plus assez
  • les frustrations s’accumulent
  • les normes implicites varient d’un groupe Ă  l’autre
  • les tensions deviennent silencieuses
  • les comportements ne sont plus alignĂ©s

Les Working Agreements sont un remĂšde naturel Ă  cette dette.
Ils permettent Ă  l’équipe de rĂ©ajuster ses pratiques rĂ©guliĂšrement.
Ils servent de boussole.


đŸ—ïž Ce que les Working Agreements apportent Ă  long terme

Avec le temps, on observe des bénéfices trÚs concrets :

  • des Ă©quipes plus stables
  • moins de conflits internes
  • une meilleure circulation de l’information
  • une capacitĂ© Ă  gĂ©rer la pression sans exploser
  • une meilleure dĂ©lĂ©gation
  • plus de transparence dans la prise de dĂ©cision
  • une intĂ©gration plus fluide des nouveaux arrivants
  • de la cohĂ©sion, simplement

Une Ă©quipe avec un bon Working Agreement n’est pas parfaite.
Mais c’est une Ă©quipe qui sait comment rester unie quand ça devient difficile.


🌟 Un exemple concret

Voici un extrait trĂšs simple que j’apprĂ©cie particuliĂšrement :

“Nous rĂ©solvons les dĂ©saccords en cherchant d’abord Ă  comprendre, pas Ă  avoir raison.”

Ce type d’accord, posĂ© dĂšs le dĂ©part, change instantanĂ©ment la maniĂšre dont les discussions techniques se dĂ©roulent.
Il donne un cadre émotionnel.
Il évite les escalades.
Il encourage la curiosité plutÎt que la confrontation.

C’est simple.
Mais c’est puissant.


🧭 Conclusion : mettre des mots pour protĂ©ger ce qui compte

Les Working Agreements sont une maniÚre humble, douce et structurante de renforcer une équipe.

Ils ne remplacent pas les talents.
Ils ne remplacent pas les compétences.
Ils ne remplacent pas la technique.

Mais ils permettent quelque chose d’essentiel :
que tous ces talents, toutes ces compétences et toute cette technique puissent réellement travailler ensemble.

Les Working Agreements ne sont pas un outil de plus.
Ils sont une preuve que le collectif compte.
Qu’on le cultive.
Qu’on y tient.

Ils rendent explicite ce qui, sinon, s’érode lentement :
la confiance, la bienveillance, la clarté, le respect, le plaisir de travailler ensemble.

Et je crois profondément que, dans une organisation qui se transforme, ce sont les éléments les plus précieux.